Louise chap 1 à 8

Va, où le vent te mènera…

Posté le8 avril 2011

Chapitre 1 : présentation
L'air est doux ce soir. Une brise légère frôle la cime des arbres. Les feuilles frissonnent. Dans le coeur de Louise, une envie, comme un sentiment d'amour ou plutôt d'appartenance. Assise sur ce banc, seule, elle attend. Il devrait être là son preux chevalier blanc! Déjà quinze minutes de retard! Lui, d'ordinaire si ponctuel.

Il ne ménage pourtant pas ses efforts pour être à l'heure. Part toujours plus tôt de son travail, compte plus de temps qu'il ne le faut pour le trajet. Il est tellement prévisible que lorsqu'il a rendez-vous avec Louise, tous ses collègues le devinent. Les quolibets pleuvent, les railleries fusent, sans aucune once de méchanceté. Car Phil est apprécié. Il l'a toujours été. C'est un personnage très charismatique, sachant rallier à sa cause toutes les âmes. Je crois que même les animaux sont sensibles à son charme. Louise ne le connait que depuis quelques mois et pourtant, dès le premier jour, au premier rendez-vous, elle a eu l'impression d'assister à des retrouvailles, comme s'ils s'étaient toujours connus. Elle se souvient du lieu: un banc devant une école. De l'heure: celle de la récréation, où les rires des enfants couvrent les bruits des sentiments. De sa tenue vestimentaire. Il avait exigé qu'elle soit féminine. Elle avait donc opté pour une jupe à volants qui laissait entrevoir ses genoux et un petit pull doré moulant qui mettait sa poitrine en valeur. Pas de décolleté, pas déjà. Des talons hauts. Pas de collants, au mois de mai, elle n'en voyait pas l'utilité.

Lui, sobre mais très élégant était arrivé après Louise. On pouvait à loisir se mirer dans ses souliers. Pas de doute, cet homme prenait soin de sa personne toute entière. Un costume noir taillé sur mesure, une chemise rose soyeuse. Les cheveux bruns impeccablement tirés vers l'arrière, un visage émacié, un sourire…carnassier. Ses yeux verts contrastaient avec les yeux sombres de Louise. On pouvait y deviner la profondeur de l'océan, la mer toute entière, celle dans laquelle chaque été on souhaite se baigner. Et, en effet, notre demoiselle avait fait le grand saut! Aucune hésitation, un superbe plongeon.

Ce jour là, Louise minauda. Elle se fit tendre et attentive.Elle cacha ses sautes d'humeurs, son caractère un peu trop trempé au goût de certains. Elle ne fut que tendresse, sourire et battements de cils! Phil semblait apprécier. Elle redoubla d'efforts quand il aborda des thèmes telles que la liberté d'aimer ou celle de s'appartenir sans pour autant être liés.Quel manque de romantisme! Que cherchait-il à prouver? Mais le vers était dans le fruit…Louise était tombée en amour comme le disent si joliment les canadiens. En une fraction de seconde, elle était devenue son esclave, sa chose, celle qui dirait oui à tout.  Son coeur le lui soufflait, son corps entier venait de changer d'enveloppe, il ne lui obéissait plus. Par habitude sans doute, il venait de le lire dans ses yeux. Il se pencha sur elle, l'enlaça et sans dire un mot l'embrassa.

Elle n'entendit pas les enfants qui derrière eux gloussaient. Elle était toute à son plaisir. Elle entrouvrit sa bouche quand la langue de Phil chercha un passage. Ce fut un pur moment de délice. Comment pouvait-elle à ce point manquer de résistance, de volonté. Qu'allait-il penser d'elle? Ce baiser volé avait duré une éternité! Louise n'osait plus bouger, plus respirer.Qu'allaient-ils se dire ensuite?

Phil relâcha la pression qu'il exerçait sur elle et sans attendre qu'elle eut recouvré ses esprits la saisit par la main et l'entraina vers sa voiture.

Le fond de l'air était frais. Phil conduisait une décapotable. Il lui proposa un foulard de soie pour qu'elle n'ait pas froid. Elle le mit, il la complimenta. Le vert lui allait à ravir.

Elle monta donc dans la crosley super sport de 1950. Une voiture mythique que possédait en son temps David Carradine, notre célèbre kung fu des années 70. Elle était magnifique avec son intérieur rouge en cuir. Phil la choyait depuis dix ans, comme si elle était la femme de sa vie. On aurait dit à bien la regarder, une grenouille aux yeux biplaces à cause de ses immenses phares! Louise n'était pas particulièrement une adepte de l'automobile mais, il lui fallait bien admettre que cette petite voiture avait un look hors du commun.

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Elle s'installa et ferma les yeux afin de pouvoir mieux goûter à la magie du moment. Il lui mit la main sur la cuisse. Elle frissonna!

Le vrombissement du moteur était un ravissement pour les oreilles de Phil. Il ne se lasserait jamais de ce bruit. Il lui demanda si elle aimait les courses automobiles. Elle n'eut pas le coeur de répondre par la négative. Avec lui, elle ferait n'importe quoi, elle avait l'impression que rien, ne la dérangerait, jamais. Il la regarda dans les yeux, flaira le petit mensonge, appuya sur l'accélérateur et sourit. Louise aimait les sensations que lui donnait cette voiture. Une petite auto dans laquelle on avait l'impression d'être en contact direct avec l'asphalte, un penchant certain dans les virages, et cette impression d'aller vite, si vite.C'est comme cela qu'elle voulait vivre! Dangereusement et rapidement. A quoi bon hésiter, attendre que le bonheur vienne frapper à la porte! A quoi bon….

La promenade dura une heure à travers la campagne. Pas un mot. Il ne dit pas un mot!

Il souriait béatement comme un enfant le ferait lorsqu'il s'amuse avec son jouet préféré. Il respirait la joie de vivre, cela suffisait à Louise,  le bonheur est communicatif.

Ce fut ainsi que s'acheva leur première rencontre. Sans un mot. Seul, le souvenir d'un baiser langoureux qui donnait follement envie de se revoir et d'aller plus loin ensemble sur ce chemin qui s'ouvrait devant eux.

Il y avait eu beaucoup d'autres rendez-vous, tous aussi magiques.

Un repas dans un château, un soir de septembre où il avait fallut revêtir l' habit du seigneur et  de sa dame. Comme au Moyen Age, on mangea avec les mains. Seul le couteau était accepté. La cuisine était à base d'épices venues d' Orient. On commença par “l'ouvre bouche”, afin de préparer l'estomac à recevoir des plats plus riches. Vinrent ensuite les “brouets” à base de céréales  ou “potages” de légumes. Enfin, le “rôt”, pièce maitresse, accompagné de sauces divines. Elle avait choisi un chevreau farci à la sauce dorée. Si elle en avait eu le courage, elle aurait léché son assiette.  Quand on lui proposa un dessert, elle crut que son ventre allait exploser mais elle fut bien incapable de résister au flan siennois et à la crème de mirabelles au miel et aux épices. Heureusement, elle avait bu peu de vin. Elle restait lucide.

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Une fois encore, Phil l'avait raccompagnée chez elle et l'avait déposée devant le portail de sa maison, sans même lui demander la permission de boire un dernier verre chez elle! Cela faisait deux mois déjà qu'il la caressait, l'embrassait, tendrement, violemment, délicatement, goulûment, elle devenait guimauve entre ses bras mais toujours il s'arrêtait là.

Alors, aujourd'hui, elle était bien décidée à l'emmener chez elle. Elle minauderait comme au premier jour, elle battrait des cils.Elle se sentait toute chose en imaginant ce qui arriverait de façon certaine dans quelques heures. Elle était follement excitée en y pensant et avait l'impression qu'autour d'elle tout le monde s'en doutait. Elle rougit, baissa la tète. Mais continua en secret de penser à toute ces choses qu'elle avait envie de partager.Elle n'avait pas connu beaucoup d'hommes. Elle aimait faire l'amour et se donner pleinement. Elle ne ressentait aucune timidité devant la nudité d'un corps. Elle savait donner du plaisir mais en prendre aussi! Elle vivait une relation sexuelle comme un véritable partage au cours duquel chacun des deux êtres s'oublie pour ne penser qu'à l'autre. Certains amants avaient été de passage car quand le corps ne ressent rien, Louise ne souhaite pas continuer à danser. Mais avec Phil, elle était certaine que ce serait comme une première fois tant son corps réagissait fort sous ses caresses. Mille fois elle avait eu envie d'arrêter la voiture et de se jeter sur lui. Mais, elle avait des principes dont celui de ne jamais faire le premier pas.

Son corps n'en pouvait plus d'attendre, il était au supplice. Aussi, ce soir, elle mènerait la danse! Elle ouvrirait le bal.

Elle regarda sa montre. Que se passait il? Elle regarda à nouveau son téléphone qui n'affichait aucun message. Elle frissonna!

CHAPITRE 2 - Interrogations

Posté le10 avril 2011

Voilà, elle détestait attendre! Louise l'impatiente, la nerveuse! Les premières idées qui lui passèrent par la tète furent qu'un homme sera toujours un homme. Il prend, il jette. Phil s'était joué d'elle et maintenant il devait bien rire. Cela lui déchira les entrailles. Elle avait tout misé sur cette relation, tout. Le sexe masculin, elle avait toujours su en sourire et s'en amuser. Les passions furtives, les violentes, les platitudes sans nom, d'une fadeur à faire pâlir toutes les fleurs du jardin ou pire, les rayons du soleil en plein été…Jusqu'à présent aucune souffrance, aucun regret! Mais là, une déception terrible, un vide immense comparable au néant le plus noir, le plus ténébreux. Un trou béant dans son corps, dans son esprit, incapable de penser encore moins de réfléchir. Elle savait à cet instant précis qu'elle ne le reverrait jamais. Lui avait elle fait peur?

Pourtant, elle avait été toute en retenue. Louise s'était appliquée à être agréable, souriante, soignée. Il avait aimé l'avoir à son bras. Dans la rue les passants se retournaient sur leur passage. Brillaient dans leurs yeux, la concupiscence et l'envie de vivre, ne serait ce qu'un seul instant. Cette attirance des corps qui leur allait si bien. Oui, les gens qu'ils croisaient leur souriaient. Phil la caressait même en présence de la foule. Il mettait sa main dans son corsage, lui pinçait de façon éhontée les fesses qu'elle avait d'ailleurs très fermes, rondes et appétissantes. Il adorait s'immobiliser tout à coup en pleine rue, la prendre dans ses bras avec toute la délicatesse d'un homme qui pense tenir un vase en porcelaine de la dynastie Yin d'une valeur inestimable. Leurs bouches se parlaient pendant de longues minutes, leurs langues s'échangeaient mille secrets. C'était comme si la terre avait cessé de tourner, le temps était suspendu, ils étaient seuls au monde.

Quand on a vécu l'amour aussi intensément, on ne peut pas croire que tout bascule sans raison un soir d'été sans une explication. Même si elle ne connaissait pas encore la chaleur de son corps nu mêlé au sien, elle ne pouvait croire, à bien y réfléchir à la fuite de l'homme. Il s'était forcément passé quelque chose. Quelque chose de grave.

Elle resta assise sur le banc, devant l'école durant deux longues heures. A force de s'imaginer toutes sortes de synopsis, elle avait une migraine épouvantable. Elle regarda à nouveau autour d'elle, chercha la crosley super sport des yeux mais en vain. Une larme coula sur sa joue sans qu'elle eut pu la retenir,et vint mourir dans son cou qu'elle essuya délicatement d'un revers de la main.

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Une fois chez elle, elle appela son ami Henri, un gendarme de la rue des Lilas. Elle lui demanda s'il y avait eu des accidents, si le nom de Phil Berlinguer était parvenu jusqu'à ses oreilles. Henri lui répondit que ce nom n'éveillait rien en lui mais promis de se renseigner. Henri était un petit homme trapu au physique agréable! Il souriait tout le temps. Pourtant, dans son quotidien, les nouvelles étaient souvent mauvaises. Mais il avait décidé de voir la vie du bon côté. Son optimisme gagnait son entourage en très peu de temps.  Pourtant, Henri vivait seul. Il avait perdu sa femme dix ans auparavant dans un accident de voiture et il était inconsolable. Elle était l'arc en ciel de ses jours, la petite folie de son coeur. Ils avaient vécu ensemble quinze ans sans que jamais un seul nuage ne vienne inonder de pluie le toit de leur maison. Les fondations étaient solides, ils s'étaient trouvés et Aristophane, dans les origines de l'amour  aurait écrit que malgré le geste fou de Zeus de séparer les corps en deux, ces deux moitiés s'étaient reconstituées! C'était comme s'ils souhaitaient se confondre le plus possible en un seul être! Ce n'est pas alors une simple jouissance sexuelle mais bien un sentiment de fusion parfaite, d'éternité. Mais la vie étant ce qu'elle est et pas toujours ce que l'on voudrait qu'elle soit, le destin avait séparé à tout jamais ces deux êtres extraordinaires. Lui, confiant se disait que s'il avait su la trouver dans cette vie, il la trouverait également dans la prochaine. C'est pourquoi, il continuait à chevaucher sur les pavés, là où le vent le menait. Henri, comme il l'avait promis prit sur son temps de pause pour interroger les hôpitaux, les collègues des différents services, les médias. Il était comme ça. Quand il promettait, il ne faillait jamais.

Louise avait rebroussé chemin. Elle marchait en regardant ses pieds. Elle venait de perdre espoir en une fraction de seconde. Henri n' avait eu vent d'aucun accident! Dire qu'elle aurait préféré qu'il y en eut un. Elle se raisonna et se gronda. Elle n'avait pas le droit de penser comme cela.

Troisième chapitre : l’idée d’une autre

Posté le10 avril 2011

Une semaine s'était écoulée, sept jours longs et pénibles, 168 heures, 10080 minutes, 604800 secondes.Elle avait l'impression que son coeur ne battait plus, qu'il se contentait d'irriguer pour alimenter ce corps comme on le ferait pour faire pousser un légume. Louise n'était plus que l'ombre d'elle même.Elle se sermonnait pourtant car elle éprouvait de la honte en pensant par exemple à ces otages de longue durée, incapables d'évaluer leurs chances de survie. Ils avaient donc surement plus de raisons qu'elle d'égrener le temps. Ils se raccrochent à la vie avec ce qu'ils peuvent.

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Elle se rendait chaque matin à la librairie. Elle l'avait appelée : un fil à la page.

-Un fil à la patte oui, cria t'elle ce mardi matin. Georges Feydeau ne m'en voudra pas. Une histoire d'amant qui veut rompre parce qu'il va se marier avec une autre. Et toi Phil, quelle est ta dulcinée? Qui vas-tu épouser? Je te hais autant que je t'aime! Et je t'aime à la folie! Alors qu'elle ouvrait la porte du magasin, elle se rendit compte qu'elle parlait toute seule et de manière hystérique . Les passants la regardaient, inquiets. Elle avait bonne réputation dans cette petite ville de Mordelles et ne faisait jamais de vague. Là, on aurait pu croire à un tsunami. Un tremblement de terre de magnitude 6, soit une destruction possible du paysage et de ses constructions sur environ 180 kilomètres à la ronde.

Passants, cachez-vous.

Et c'est ce qu'ils firent. Pas un ne s'approcha d'elle. Chacun leur tour, ils changèrent de trottoir.

Elle respira très fort et se dit qu'à partir de maintenant, elle allait être insouciante, volage et effrontée. Une vraie garce comme les hommes rêvent d'avoir. Elle se ferait violence, deviendrait capricieuse et plus jamais amoureuse. Elle s'en fit la promesse. On dit toujours cela après une déception, et l'on s'y tient,  jusqu'à la prochaine fois.

Elle décida de fermer la librairie plus tôt ce jour là. Elle n'avait pas vu beaucoup de monde pour un mardi. Il était 18 heures lorsqu'elle tourna la clé dans la serrure et baissa l'énorme grille en fer toute rouillée. Cela faisait maintenant trois ans qu'elle se promettait chaque jour de la repeindre, mais elle trouvait toujours mieux à faire.

Sa préoccupation favorite : dévorer les romans. Elle aimait tout spécialement les biographies. Celle de Hitchcock, de Polanski et dernièrement de Blier. Elle avait l'impression de s'immiscer dans la vie des autres, elle qui quotidiennement rentrait seule dans sa petite maison de la Rousselais. Sa curiosité n'était pas maladive, elle avait plutôt l'impression d 'observer au loin, comme le ferait une petite souris avec un morceau de gruyère, sans bruit, très discrètement, à tout petit pas de rongeur. Bien-sur l'histoire de la Pompadour, celle de Napoléon par Max Gallo ou encore de Henri IV l'avait subjuguée. Mais elle se devait de lire un maximum de nouveautés car chez elle, le lecteur venait chercher du conseil. Elle faisait un métier qu'elle aimait mais qui lui prenait tout son temps. Bien-sûr il existait des résumés, des critiques. Internet était une mine d'informations très riche. Mais, têtue, elle aimait se faire son opinion.  Elle avait très bien vendu le cercle littéraire des amateurs d'épluchures de patates de Mary Ann Shaffer et Annie Barrows, bien avant que l'on en parle dans les médias. Les lecteurs avaient été surpris au premier abord mais conquis finalement. Elle connaissait bien son petit monde et lorsqu'elle disait à Marie de lire les écureuils de central park sont tristes le lundi de Katherine Pancol, elle savait qu'elle ferait mouche. Pour Kathy, il fallait des histoires courtes, elle avait adoré l'échappée belle d'Anna Gavalda. Elle en redemandait. Parfois, elle conseillait d'anciens livres. Ainsi elle avait recommandé à Béa le monde de Sophie de Jostein Gaarder. Hélène préférait le rayon des oeuvres politiques. La politique était son dada et lorsqu'elle lançait le débat, la soirée prévoyait d'être animée. La société actuelle mettait Hélène en colère, elle, la pacifiste, l'écologiste. Les hommes étaient-ils devenus fous se demandait-elle souvent? Restait Kasimir. Un personnage haut en couleur qui adorait la poésie. Il connaissait par coeur l'oeuvre de Ronsard, celle de Baudelaire. Cela lui avait été très utile auprès des femmes. Elles adorent les rimes et les ritournelles affirmait il. Leur susurrer à l'oreille est ma plus grande joie.Il laissait alors échapper un sourire coquin qui, croyez-moi en disait long.

Elle s'était accrochée à toutes ces personnes comme on s'agrippe à une bouée de sauvetage. Elle se nourrissait d'eux, de leurs émotions. Ils lui donnaient de la chaleur et cela suffisait à son bonheur.

Louise pensait à tous ces personnages du quotidien. En fait, elle ne s'était jamais sentie seule jusqu'à  ce jour.

Elle rentra chez elle, se fit une tisane. Entama la lecture de Rosa Candida  et s'endormit après quelques pages sur le canapé.

Elle fit alors pour la première fois  un rêve étrange. Il se déroulait dans un monde proche de notre réalité. Elle voyait Phil, elle se voyait aussi mais elle paraissait un peu différente de ce qu'elle était vraiment.Un peu plus grande, un peu plus ronde. Les cheveux coupés plus courts. Une mèche qui remplaçait sa frange actuelle. Louise voulut crier, son double se retourna. A bien y regarder, on aurait dit une autre femme qui lui ressemblait étrangement.

 

Quatrième partie Le Rêve

Posté le11 avril 2011

Louise a chaud, elle transpire…le rêve vire au cauchemar. Qui est cette femme? Pourquoi apparait-elle tout à coup là, devant ses yeux? Alors dans un effort surhumain alors qu'elle a l'impression que ses pieds sont englués dans le sol, elle parvient à se réveiller.

Cela faisait longtemps qu'elle ne s'était pas retrouvée en danger les yeux fermés.

Petite elle faisait de drôles de rêves, toutes sortes de rêves. Des rêves colorés, plein de douceur, des rêves angoissés pendant lesquels elle revivait les durs épisodes de la journée mais aussi des rêves cauchemardesques. Elle était souvent le sauveur, le héros, car les yeux clos, elle pouvait voler et ainsi porter secours à des lieues à la ronde. Pourtant, lorsqu'elle était en présence d'un méchant, elle se retrouvait toujours bloquée, comme prise au piège, les deux  pieds scellés dans le sol, exactement comme elle venait de le vivre. Elle ne parvenait à échapper au bandit qu'au tout dernier moment. Elle transpirait, se débattait et à la dernière microseconde s'envolait. Ce rêve, elle l'a fait mille fois alors qu'elle était enfant, pourquoi le poursuivait-il encore? Quelle en était la signification?

Elle savait aussi que si en fermant les yeux elle voyait de l'eau, elle serait poursuivie puis dévorée par un requin. Pinocchio pourtant avait vaincu Monstro, la baleine! Alors, pourquoi ne réussissait-elle pas à faire de même? De ce fait, elle n'aimait pas tellement se baigner dans l'océan. Il lui fallait toujours voir le fond, ne jamais aller trop loin. Pourtant, comme elle aurait aimé en femme grenouille aller visiter les fonds marins, observer les poissons de toutes les couleurs, les étoiles, les hippocampes, rencontrer les sirènes, faire la causette avec Neptune, fils des Titans…

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Elle s'était risquée tout de même une fois à plonger en apnée. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu'elle tomba nez à nez avec un congre. Sa respiration s'accéléra d'un coup, elle paniqua et se réfugia rapidement sur la plage. A regarder le fond de l'océan, elle avait oublié de protéger son dos et le soleil le lui avait brûlé. Elle finit ses vacances en t-shirt mais ne resta pas marquée. Alors, quand depuis ce jour on lui demandait où allait sa préférence entre la mer et la montagne, elle répondait sans hésitation aucune: la montagne.

Elle avait définitivement rangé au placard, les chirurgiens à queue rouge, l'acanthure zébré, le baliste clown, les poissons papillons et autres rascasses. Elle les observerait dans l'aquarium de grand papa.

La signification des rêves, quelle était-elle vraiment?

Freud disait que dans les rêves, une chose signifiait parfois son contraire. Qu'il faut souvent prendre les  éléments séparément et les étudier l'un après l'autre. Alors, que devait-elle interpréter? Que déduire de l'apparition de Phil et de cette femme?

Ce jour là, une fois encore elle eut du mal à s'endormir et, comme la veille, elle cauchemarda! Pourtant elle tenta de se rappeler plus  en détail la scène. Pourquoi ce paysage ressemblait-il à une plage? Etaient-ils en vacances? Habitaient-ils près de l'océan?

Au bout d'une semaine, il lui sembla qu'il s'agissait là de bribes de vie auxquelles elle assistait de loin en simple  spectatrice. Des enfants jouaient au ballon, un chien courrait sur la plage. C'était un épagneul breton qui aboyait sans cesse! Il semblait tout fou et heureux de l'être!

Toutes ces questions qui restaient sans réponse, l'épuisaient. Que fallait-il comprendre?

Que Phil était un homme marié? Qu'il avait abusé d'elle comme d'un jouet et quand elle l'avait lassé, il avait repris sa petite vie avec femme et enfants! Un quotidien surement charmant au demeurant mais dont parfois il se lassait. Combien de femmes avait il abusées? Combien de coeurs avait il fait sombrer tels les navires qui, attaqués par le vaisseau fantôme ne revenaient jamais?

Au beau milieu de la nuit, alors que la lune resplendissait, elle eut terriblement envie de ses bras, de sa chaleur. Et c'est en pensant à lui qu'elle se rendormit. Elle fit même un rêve érotique au cours duquel elle prit son plaisir, persuadée de sa présence! Son corps entier se mit à trembler. Cela ne lui était pas arrivé depuis longtemps. Elle aurait souhaité que cela ne s'arrête jamais, tant cette extase lui était agréable. Elle sentait les battements de son coeur jusque dans son sexe. Elle gémit puis, heureuse l'espace d'un instant soupira. Oui, faire l'amour avec Phil aurait ressemblé à cela.

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Il était maintenant sept heures. Elle avait finalement réussi à dormir convenablement. Elle sourit en repensant au rêve de la veille! Il avait effacé toutes les mauvaises pensées! Elle était à nouveau positive. Il n'était pas comme cela. Il y avait forcément une explication à ce mystère. Mais, laquelle?

Elle prit la décision d'engager un détective privé.

Personne ne disparaissait jamais sans laisser de trace!

 

Cinquième Chapitre : Un détective

Posté le13 avril 2011

Mais où chercher? Elle ne connaissait absolument personne qui avait fait appel de près ou de loin à un détective privé! De plus, les cartes officielles  étaient toutes différentes! Chacune d'elles comportait, un nom, une adresse,  une photographie, la profession exercée, et la mention de l'organisme l'ayant délivrée, c'est tout! Aucune ressemblance avec un quelconque document officiel, c'était formellement interdit. Elle entreprit de questionner son ordinateur.

Son choix se porta sur un Monsieur Dominique Legale. Il avait pignon sur rue et les commentaires sur Internet des personnes ayant fait appel à ses services étaient plutôt positifs. L'histoire de Louise n'avait rien de commun avec un quelconque adultère ou un petit chien perdu! Elle ne possédait aucune photo! Les premiers éléments étaient donc minces pour retrouver Phil Berlinguer! Il possédait une crosley super sport, une voiture rare! Il fallait partir de là.

Elle aurait pu aider à l'ébauche d'un portrait robot mais Monsieur Legale, surnommé l'albatros était incompétent dans ce domaine! En revanche, il avait un ami au commissariat, le Pierrot, qui moyennant quelques services, l'aiderait à dresser un croquis ressemblant! Devant le désarroi de la jeune femme,  Il promit d'éclaircir le mystère. Il lui fallait maintenant moults détails, même les plus insignifiants. Louise raconta donc ces quelques mois passés ensemble. Ce fut une torture. Il ne fallait omettre aucun détail et revivre tout cela lui était vraiment pénible. Elle luttait à chaque instant pour ne pas fondre en larmes. Elle ne pouvait se résoudre à être une garce! Elle devait d'abord guérir et pour cela il lui fallait comprendre. Quand un couple se sépare, l'un dit à l'autre que c'est fini et c'est la fin de l'histoire, chacun peut passer à autre chose! Là, rien n'avait été dit! Pire, l'un des 2 avait disparu!

L'albatros se mit au travail. Louise gagnait correctement sa vie et elle pourrait se payer ses services. Mais elle serait intransigeante, il fallait des résultats, et vite!

Il existait plusieurs personnes du nom de Berlinguer en France. Mais aucune ne possédait de crosley. Les recherches commençaient mal, ou plutôt, cela n'allait pas être aussi simple qu'il le pensait. Qu'à cela ne tienne, l'Albatros était persévérant! Il interrogea alors non pas seulement  les particuliers mais aussi les entreprises, les musées…Il savait que la réponse ne parviendrait pas avant quelques semaines mais, il avait promis.

Louise, quant à elle, décida désormais de noter sur un petit carnet tout ce qui lui viendrait à l'esprit puisque le moindre détail comptait. La marque de ses costumes, en était le bon exemple. La plupart du temps, c'était du Cerruti. Peu de magasins ici proposaient cette marque! Elle en déduit que Phil devait exercer un métier rémunérateur. Mais que faisait-il au juste? Bandit de grands chemins? Elle sourit en constatant qu'elle était à nouveau capable de faire de l'humour!

Il lui semblait que le goulot dans lequel s'était coincé son monde, se desserrait et qu'elle pouvait enfin respirer. Elle voyait maintenant la bouteille à moitié pleine, l'espoir venait de changer de camp!

Pendant les jours qui suivirent, elle n'eut que peu de contacts avec l'Albatros.Elle lui laissa plusieurs messages mais sans qu'il eut besoin de la rappeler. Il s'agissait seulement de détails qu'elle croyait importants. En revanche, elle insista sur le besoin de faire ce portrait robot car elle avait peur d'oublier les traits de l'homme qu'elle aimait. Les images s'envolent si vite…

L'albatros promit une fois encore de relancer le Pierrot! Mais celui-ci était très occupé avec une affaire de sérial-killer qui sévissait depuis quelques temps. Six meurtres d'une sauvagerie sans nom! Six femmes retrouvées enterrées vivantes après avoir été violées et torturées. Quel homme seul ou accompagné pouvait accomplir de telles ignominies? Quelques traces de chaussures mais aucune autre empreinte. Des corps avilis, déshonorés, enfouis sous terre, morts de peur, de honte et d'asphyxie. Des âmes qui avaient seulement eu le tort de se trouver au mauvais moment au mauvais endroit. Les os brisés, les chairs lacérées, certains membres amputées, plus de mamelon, plus d'yeux. Aucun être humain ne peut être capable de semblables méfaits? Il ne pouvait s'agir que d'un monstre sans pitié, assoiffé de sang. Un être bien malheureux en vérité, qui pour palier un manque d'Amour allait jusqu'à ôter la vie de la façon la plus douloureuse qui soit. Depuis vingt ans qu'il travaillait à la PJ, le Pierrot en avait vu des “saloperies” mais cela dépassait l'entendement! Heureusement, la retraite approchait à grands pas. Ce serait un soulagement. On n'est jamais aussi fort que l'on veut bien le faire croire. Il avait connu Dom Legale du temps où celui-ci était encore dans le métier. C'est après le drame qu'il avait démissionné et monté sa propre affaire. Il respectait l'homme car, quand on assiste à l'exécution de son épouse en pleine rue, on ne pense plus qu'à une seule chose : la vengeance! Mais L'Albatros avait laissé faire la justice. A l'époque, il avait arrêté le chef d'un groupe terroriste dont les membres avaient décidé de se venger. Il avait sauvé la vie de milliers de gens en le capturant avant qu'il ne fasse exploser sa bombe et c'est lui que l'on avait puni!

La vie est une suite d'évènements heureux ou malheureux.  A partir de ce jour, il avait côtoyé l'enfer, une bouteille à la main.  Deux longues années à errer sur les trottoirs de la ville, à se réveiller dans le caniveau, sale et puant! Jusqu'à ce qu'il rencontre Françoise à l'hôpital. Elle sentait bon le chocolat et il raffolait du cacao! Elle avait une blouse blanche qui laissait entrevoir de jolies formes. Notre homme était en mal d'amour, cela ne le laissa pas indifférent. Notre infirmière vivait seule et elle le trouva beau. Elle l'encouragea à se faire soigner dans un établissement spécialisé et à venir la retrouver dès qu'il serait guéri. Il fut remis sur pied en un éclair! Il  attendit Françoise le soir même de sa sortie avec des roses.  Fleurs et chocolats font toujours très bon ménage.

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Parfois, il faut y croire car la vie est une succession de rencontres merveilleuses. Ne jamais dire jamais! Ne pas s'entêter à attendre un bonheur qui ne viendra pas. Et Louise savait cela! Des aventures, elle en avait eu.

Phil lui avait avoué son amour alors, il allait revenir. Dès le début de leur rencontre, il avait parlé d'avenir ensemble et non de relation secrète. Il ne lui avait pas caché sa vie, elle n'avait simplement pas posé de question. Comme elle le regrettait maintenant. Elle s'était livrée à lui en racontant les différents évènements qui avaient jalonné sa vie et elle n'avait pas pris le temps de le questionner. Il l'écoutait avec tellement d'attention, sans jamais l'interrompre…

Persuadée qu'elle était dans le vrai, elle reprit le chemin de la maison en souriant. Dans sa tète, le soleil brillait, les oiseaux chantaient, elle reprenait goût à la vie.

Sixième Chapitre enfin!

Posté le15 avril 2011

Parfois, il faut y croire pour deux!

Elle avait déjà connu des relations de quelques mois, de quelques semaines, de quelques jours, de quelques heures. Elle n'éprouvait aucune honte à cela.  Des relations d'un soir quand son corps était en mal d'amour, aux contacts éphémères, elle ne regrettait jamais ses choix. Elle fuyait les hommes mariés, c'était un principe de précaution chez elle! De ces rencontres coquines au cours des différentes sorties entre amis, elle n' avait cru qu'en une seule personne et cela avait été une erreur. L'homme s'était longtemps menti à lui même en se disant que l'amour viendrait mais on ne commande pas les sentiments! Il lui avait finalement avoué son désamour brutalement, un lundi matin dès potron-minet. Elle avait boudé puis apprécié cette franchise qui lui permit de se remettre très vite à son grand étonnement. Elle continua à rencontrer d'autres hommes comme si elle pouvait trouver en eux la réponse à son appel au secours, âme en détresse…je ne veux pas finir seule. Trouver chaussure à son pied n'est pas chose facile. Parfois on s'emballe trop vite et l'on est déçu! Ou bien, on fait la difficile et sur le long terme, on constate mais trop tard que l'huitre renfermait une perle! L'ennui avec l'Amour, le vrai, le grand, l'incroyable, c'est qu'il n'existe pas de recette miracle. Il faut composer sans cesse en fonction des ingrédients dont on dispose. Il y a les grands chefs et les marmitons…Avec Phil, les ingrédients étaient excellents mais le cuisinier avait disparu! Enfin voilà, L' ALbatros et le Pierrot la prenaient au sérieux! Ils allaient l'aider. Le chef réintègrerait un jour  sa cuisine.

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Cependant les rêves continuaient. Elle avançait doucement mais pour elle cela semblait être à pas de géant! Elle était maintenant sur la plage. Sa ressemblance avec l'autre femme était flagrante. Comment interpréter cela? Bien sur, elles n'avaient pas les mêmes tenues vestimentaires mais l'allure générale avait un je ne sais quoi de déjà vu! Sa façon de se passer les doigts dans ses cheveux, de se tenir bien droite les deux mains sur les hanches, ce petit nez qui se retrousse quand elle s'interroge. Une chose étrange cependant,  cette dernière semblait un peu plus abattue au fil des rêves. Louise resta pensive…

Quant à l'homme, aucun doute n'était permis, c'était bien Phil. Même tenue soignée, la mine un peu moins rayonnante, c'est tout. Dans ce couple, car il s'agissait bien d'un couple, une ombre transparaissait au tableau! Mais laquelle? Elle devrait percer ce mystère. D'ailleurs, elle n'entendait plus le rire des enfants sur la plage. Le chien semblait si loin que les aboiements n'arrivaient plus jusqu'à Louise. Qu'était-il en train de se passer? Cette famille sombrait. Plus elle s'approchait d'eux et plus le soleil disparaissait derrière de gros nuages.

Elle supportait toujours ces rêves avec difficulté mais elle ne les refusait pas car ils lui apportaient un début de réponse! De plus, elle avait retrouvé un caractère enjoué. Elle s'était remise à la lecture, dévorant les histoires d'amour. Je n'irai pas jusqu'à vous écrire qu'elle lisait Barbara Cartland mais Musso, Lévy trouvaient maintenant place dans sa bibliothèque personnelle. Sur Internet, elle avait cherché des traces des “Guerlinguer” sans beaucoup de succès. Elle s'en remettait donc totalement à ses deux chercheurs! Pouvoir se reposer sur eux lui apportait réconfort et tranquillité d'esprit. Elle savait bien que seule, elle ne serait parvenue à rien.

Il était 9 heures quand elle reçut un appel de Nad, sa meilleure amie. Bien sur, elle s'était confiée à elle. Ce n'était pas dans sa nature de se raconter ou alors, par bribes, des petites choses insignifiantes…mais Nad était comme une soeur pour elle et en ce moment elle avait besoin d'affection. Nad traversait un passage difficile avec la naissance de son second enfant. L'accouchement n'avait pas été sans douleur et la période post natale lui pesait. Aussi,  encourageait-elle Louise à lui confier ses petits secrets de femme célibataire. Et en ce moment, elle était gâtée.

Ce matin là donc, Nad arrivait avec une nouvelle extraordinaire qui allait faire avancer l'enquête. Elle avait visité le musée de l'automobile de Lohéac et d'après la description que Louise lui avait faite de la voiture de Phil…il semblerait bien que cette dernière ou sa soeur jumelle y ait trouvé refuge.

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Louise resta sans voix. Il fallait immédiatement vérifier. Le musée n'était ouvert au public qu'en fin de semaine! Mais, comme elle allait pouvoir s'en rendre compte, l'Albatros lui ouvrirait souvent les portes  closes. Il connaissait du monde l'animal et certains lui  étaient redevables. Depuis le temps, il avait rendu service à tellement de gens sans jamais rien demander en échange! Elle l'appela et laissa un message sur son répondeur. Quinze minutes plus tard, il lui confirma un rendez-vous le soir même au musée. La journée allait être longue.

Elle partit travailler, le coeur léger comme si sa vie redémarrait… enfin.

 

Chapitre 7 la voiture

Posté le16 avril 2011

Toute la journée, Louise avait regardé sa montre! Elle était énorme à son poignet et très visible puisque rouge vermillon! Elle hypnotisait le regard. D'ailleurs, les gens ne lui posaient jamais la question avez-vous l'heure mais plutôt  pourriez-vous me donner l'heure. Cela la faisait sourire. Elle s'était promis  d'offrir un café à l'étourdi qui l'interrogerait un jour pour savoir si elle avait l'heure. Depuis, elle attendait cela comme un défi.

Elle avait décidé ce week-end d'inviter ses meilleurs clients  à manger. D'ailleurs, elle ne les appelait plus que par leur prénom. Il n'était plus question de commerce mais bien d'amitié. Hélène était libre ainsi que Béa . Kasimir s'était fait tirer l'oreille. Elle souhaitait aussi faire la connaissance de Françoise, la femme de l'Albatros. Nad ne viendrait pas, elle avait trop à faire avec bébé. Kathy n'avait pas le moral, elle devait conduire son mari à la gare car il partait en mission. Louise était heureuse et cela la rendait partageuse! Elle brassa large! Elle faisait confiance à Dame Grenouille qui annonçait beau temps et installerait une grande table dans la véranda. Celle que Mémère lui avait laissée en héritage! Elle était immense et vingt convives pourraient y trouver place. Dans l'après midi elle avait joint Jiji, l'historien mais aussi Jacqueline et Jean Claude qui s'entendaient à merveille! L'une parlait de ses roses pendant que l'autre faisait gentiment étalage des dernières recettes de cuisine testées et réussies! D'ailleurs, Jean Claude avait proposé d'apporter le dessert! Annoncés : tarte à la banane et clafoutis aux figues et aux raisins. Pour la musique, Louise invitait toujours Myel. Elle avait un goût certain. Elle jouait aussi de divers instruments et c'était un plaisir de finir un repas en chansons! Elle prenait sa guitare, donnait le la! Et tout le monde s'exécutait. Alain que l'on surnommait Arsène, le plus farceur de tous essayait de lui souffler des chansons paillardes mais Myel résistait encore et toujours…c'était devenu un jeu entre eux. Francis, depuis qu'il était à la retraite s'occupait de la bibliothèque et venait souvent rendre visite à Louise. Il avait été professeur de philosophie. Il aimait lancer des débats, des idées, comme cela à la volée. Il participait peu mais observait beaucoup. Louise restait persuadée qu'un jour il écrirait un livre.
Tous ces gens formaient un petit groupe bien sympathique. Les soirées étaient intemporelles…On savait quand elles commençaient mais jamais quand elles finissaient. Chacun apportait de quoi boire et  se sustenter…il y en avait toujours trop. Louise possédait bon nombre de canapés et il n'était pas rare qu'à son réveil elle retrouvât quelques énergumènes affalés ici ou là. On avait refait le monde mais le monde ne s'en souvenait pas.

Quand dix-huit heures sonna, Louise sursauta. Le  Pierrot passerait la chercher dans quelques minutes et elle n'avait pas encore fait sa caisse. Elle avait beaucoup vendu aujourd'hui! Il faut croire que lorsqu'on accroche le croissant de la lune à son visage, on attire les gens. Elle avait vu les clients habituels mais aussi de nouvelles tètes. Elle était ravie car elle aimait la nature humaine. Elle avait discuté, conseillé, aiguillé. Elle espérait que certains d'entre eux reviendraient. Tout le monde devrait aimer lire. Il existe des livres pour tous les âges, tous les goûts. Elle avait parfois l'impression d'être Don Quichotte mais peu lui importait. Si le badaud repartait ne serait ce qu'avec une bande dessinée, c'était une victoire.

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Elle entendit le klaxon. Pierrot lui fit signe de se dépêcher. Les dizaines de kilomètres qu'il leur fallait parcourir pour arriver à Lohéac leur avaient semblé pénibles. Dom les attendrait là-bas. Il voulait être le premier sur les lieux! le  Pierrot avait expliqué à Louise qu'il aimait s'entretenir seul avec les personnes à interroger. Elle aurait été trop impulsive, avec ou sans réponse. Elle leur aurait fait peur. Lui avec sa bonhomie habituelle rassurait.

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Le manoir de Lohéac comme on l'appelait, possédait plus de quatre cents voitures. On y trouvait aussi des maquettes, un bar à cidre, des échoppes du siècle dernier…A côté du musée, un circuit automobile! Mais en pleine semaine, il n'y avait personne.  Louise en profita pour se faufiler dans le musée. Elle trouva la crosley à l'étage avec les américaines. ,  ouvrit la porte et s'installa. Les sensations fortes  refirent vite surface. Elle ferma les yeux un court instant et trouva la force de  lutter contre le chagrin. Puis, elle entrouvrit la boite à gants, tout doucement comme on le ferait avec une boite à trésors. Si le ticket de bus qu'elle avait déposé volontairement avec leurs initiales était encore là coincé entre le cuir et le métal c'était gagné. Elle tendit la main, tremblante. Il avait dû glisser, elle chercha plus loin. Ses doigts butèrent tout à coup contre quelque chose de dur qui pénétra sous son ongle. La douleur fut vive, elle se pinça les lèvres mais ne cria pas. Elle sortit sa pince à épiler et put attraper le morceau de carton qui lui résistait. Il était là, les inscriptions étaient là…le rêve devenait réalité!

Dom allait devoir s'entretenir plus durement avec le directeur.

Elle revint en courant vers l'Albatros qui lui faisait maintenant les gros yeux. Elle sautillait levant bien haut sa découverte. Quand elle fut à  hauteur des deux hommes, elle leur expliqua la raison de son comportement. Le directeur pensait à un coup monté, il allait se fâcher quand soudain il réalisa que parfois il s'absentait et laissait les clés à son frère. Il saisit immédiatement son portable et composa le numéro. Son frère partait le lendemain pour Monaco, il fallait faire vite.

Chapitre 8 On avance

Posté le17 avril 2011

Vite, il fallait faire vite! Le frère risquait de s'échapper et l'Albatros qui avait l'habitude de ce genre d'affaire pensait que l'on était sur la bonne voie. Il décida de se rendre immédiatement chez l'homme. Auparavant, il demanda de la discrétion au directeur du musée tout en le rassurant. Son frère n'avait rien fait de mal. Il n'était pas de la police, il cherchait juste à élucider un mystère. Rassuré celui-ci leur promit de ne rien dire. Il était un peu fâché par la désinvolture de son frère car il n'aurait pas aimé qu'on lui abime la crosley. Il était éperdument amoureux de toutes ses automobiles comme il l'était de sa femme. Mais celle-ci n'avait rien donc il  passerait l'éponge.

Le frère qui se prénommait Jean Yves fut très surpris par cette visite impromptue. Les bagages étaient déjà dans l'entrée. Il partait en vacances quelques semaines. L'Albatros se dit qu'il fallait avoir de l'argent pour partir  dans la Principauté. Dans un premier temps, il les laissa sur le pallier. Puis, Le Pierrot expliqua que l'on pouvait discuter tranquillement autour d'un verre, que cela ne remettrait pas en cause son départ. L'homme se détendit alors et les fit entrer.

La demeure était spacieuse, le mobilier luxueux. On avait les moyens dans cette maison. Il est incroyable de remarquer à quel point notre métier déteint sur notre comportement. Lorsqu'ils rencontraient quelqu'un nos deux enquêteurs faisaient d'abord l'état des lieux de la personne et de ce qui l'entourait. Ils ne pouvaient s'en empêcher.

Jean Yves leur proposa une bière, c'était tout ce qui lui restait. Ils s'empressèrent d'accepter. l'Albatros prit la parole le premier. Il lança la conversation sur les voitures de collection. Il n'y connaissait pas grand chose. Son grand père ayant toujours eu des Citroën, il parla traction! Jean Yves commença à se détendre et répondit facilement aux premières questions. Quand elles se firent plus précises, sa voix monta dans les aigües, ses phrases se firent plus courtes. Sa jambe se mit à remuer en cadence, un geste d'impatience et d'inquiétude que remarqua notre détective. Il était content, Jean Yves n'allait pas tarder à tout révéler.

En effet, se sentant pris au piège, Jean Yves leur dit qu'il avait  rendu service dernièrement à l'ami d'un ami qui avait besoin d'une voiture. Le service était très bien payé, il avait immédiatement accepté.

Il fallut insister beaucoup pour qu'il veuille bien avouer le nom du commanditaire. Louise versa même quelques larmes. Il se sentait acculé alors  il avoua tout. Par bribe tout d'abord puis comme le fleuve qui se jette dans la mer…il passa aux aveux complets sans que l'on eut besoin de l'encourager.

Il s'agissait en fait d'un chirurgien du centre Oscar-Lambret à Lille. Il ne connaissait pas son nom. Il savait simplement que la demande émanait d'un de ses patients. Il avait assuré que la voiture ne subirait aucun dommage, il s'était engagé personnellement. Jean Yves qui  avait un litige avec son frère et lui devait une somme rondelette n'avait pas hésité. Bien-sur, il n'avait pas réfléchi aux conséquences. Si la voiture avait été accidentée, il n'aurait pu la remplacer. Mais quelquefois, par désespoir, on se laisse aller à faire n'importe quoi. Jean Yves était célibataire. En fait, il était l'opposé de son frère aîné, en tout. Pire, il était joueur! Il se ruinait chaque vendredi soir dans les casinos. Depuis que les jeux en ligne étaient autorisés, c'était même devenu son quotidien. Heureusement pour lui, parfois il gagnait gros et il pouvait compter sur son banquier pour faire fructifier son argent, même de façon éphémère. Lorsque malheureusement le mauvais sort s'acharnait, il supposait le pire! Mais rien dans la vie jusqu'ici n'avait pu  lui procurer autant d'adrénaline! Il se sentait vivant même si parfois il semblait au bord du gouffre!  L'attente, la peur, le frisson, la joie…

Louise le regarda avec pitié, persuadée que cet homme là changerait le jour où il rencontrerait l'amour. Elle était triste pour lui car, à marcher sans cesse sur des chemins de traverses, il ne le croiserait peut-être jamais.

Ils laissèrent Jean Yves à sa petite vie de joueur! Ils comprenaient mieux alors la destination de son voyage et sa raison.

Dans la voiture, Louise se tut! Une piste…ils avaient une piste. Elle attendait que le Pierrot lui explique la suite des évènements mais celui-ci semblait songeur. Il essayait de trouver la meilleure solution pour annoncer à Louise qu'elle ne serait pas du voyage. Ils iraient bien à Lille mais seuls! Ils n'avaient pas besoin d'elle pour cette mission.

Tous se retrouvèrent à l'agence et l'Albatros fit un rapide résumé de la situation.

Il s'agissait de se rendre dans un hôpital de Lille et  d'y trouver ce chirurgien. Le portrait robot devenait indispensable.

Le Pierrot décida d'y travailler toute la nuit si cela ne posait pas de problème à Louise. Elle acquiesça, ravie.
Ils auraient aimé que Jean Yves ait vu physiquement le médecin, cela aurait doublement facilité les recherches. Mais tout cela c'était passé par téléphone et par lettre au porteur.

Louise rentra prendre une douche, fit un plein thermos de café noir. Elle était prête. Elle rayonnait. Le Pierrot l'emmena au commissariat. Il ouvrit son ordinateur et rentra dans le programme.

Cela prit des heures à Louise. Quand elle pensait avoir trouvé le bon nez, elle s'apercevait qu'en le plaçant il n'allait pas avec les yeux. Quand elle mit la bouche, le nez ne convenait plus…elle commençait à s'énerver. Il était 23 heures et on était toujours sur la ligne de départ. De rage Louise s'empara du téléphone et appela son amie Béa. A cette heure tardive Béa s'inquièterait sûrement mais elle viendrait. Louise en était persuadée.

Béa décrocha le combiné, l'air un peu essoufflée. Elle semblait très occupée et ce n'était pas une heure pour déranger les gens. Quand elle se fut calmée, après avoir beaucoup crié, elle accepta d'écouter Louise.

-  Ma Belette, je sais que tu as sûrement mille autres choses à faire. Je crois deviner que tu n'es pas seule mais tu sais bien que si cela n'était pas important je ne t'aurais pas appelée.

-Ok, dis-moi ce qu'il y a, tu as piqué ma curiosité. Phill est revenu? Tu as des nouvelles?

- Non, mais je suis au commissariat et j'aurais bougrement besoin de tes talents.

- Qu'as tu fait? Tu as bu? Tu te prostituais par désespoir et ils t'ont ramassée.

- Béa, s'il te plait, cesse donc tes enfantillages!  Habille toi et viens, c'est important.

Béa congédia son nouvel ami. Il maugréa mais s'exécuta. Elle lui promit de le revoir très vite. Il avait un petit cul adorable! Et c'est ce qu'elle regardait en premier chez l'homme. Elle n'avait pas froid aux yeux. Son comportement en intimidait certains mais la plupart de ces messieurs en redemandaient. D'une beauté étourdissante, elle les menait par le bout du nez et elle adorait cela. Elle serait éternellement célibataire, elle se l'était promis. L'amour était le jeu qu'elle préférait.

Quand elle arriva au commissariat, elle eut à peine le temps de s'asseoir. Le Pierrot lui tendit une feuille de papier et un crayon et c'est Louise qui lui expliqua la raison de sa présence. Elle allait lui donner tous les détails qui lui permettraient  de dessiner le portrait de l'homme qu'elle aimait. Béa paniqua. Il lui sembla qu'elle n'était pas à la hauteur mais Louise la rassura bien vite en lui rappelant les jeux auxquels toutes deux participaient enfants. Il s'agissait de croquer des objets ou des gens les yeux fermés, ou encore de les regarder cinq minutes puis de les dessiner de mémoire. A ce jeu, c'était toujours Béa qui l'emportait et pourtant, c'était Louise qui reportait le plus détails. Béa sourit en pensant à ces instants que sa mémoire sélective à tort avait oubliés. Elle se concentra sur la voix de Louise et commença le croquis.

Pendant ce temps, Le Pierrot essayait de reporter sur son logiciel ce qu'il voyait naître sur le papier. On avançait doucement mais sûrement. Il s'agissait de procéder par étape. On commença par la forme du visage et les cheveux. C'était le plus facile. Il avait une chevelure brune épaisse, tirée en arrière. Son visage qui paraissait émacié lorsqu'il avait les cheveux gominés était finalement ovale. Il finissait par un menton quelque peu en galoche. Une légère pilosité qui  lui donnait un soupçon de féminité.  De longs cils qui ajoutaient à la beauté de ses yeux verts. De fins sourcils qui lui donnaient finalement un air très doux. Un nez qui finissait par un arrondi un peu grossier. Et une bouche, à offrir des baisers. Elle était pulpeuse et elle sentait si bon. Une bouche aussi bien dessinée, c'était presqu'un péché à elle toute seule. On avait continuellement envie de mordre dedans. Quant aux oreilles…que dire sur ses oreilles! On ne les regarde jamais assez. Restait la couleur de la peau qui était assez claire. Il lui semblait tout à coup que cet exercice devenait de plus en plus difficile. Heureusement, le portrait s'achevait. Béa avait été parfaite comme toujours et d'une aide extrêmement précieuse pour Pierrot.

Trois heures venaient de sonner. Tous étaient très fatigués mais heureux.

On avait enfin une photo de Phill. L'Albatros lancerait de nouvelles recherches.

Louise s'endormit le sourire aux lèvres. Cette nuit là, elle ne rêva pas.
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